Angkor - février 2008
Angkor, souvenir d’une belle rencontre, avec un grand homme, un guide (retraité) de qualité, un francophone érudit, un philosophe à l’esprit vif, chanteur de surcroît. Il n’hésitait pas à proclamer haut et fort ces vérités qui ne sont pas bonnes à dire.
J’ai nommé le grand, l’exceptionnel, l’inoubliable CHEA CHHENG
Il nous a fait découvrir les temples avec un autre regard.
Voici un extrait d’un article sur Chea Chheng, datant du 12 octobre 2003, dans un journal khmer francophone :
« Il a composé ses premiers vers en secret, raconte-t-il, « pour se consoler » dans la désolation du régime des Khmers rouges et « éviter à son cœur d’exploser ». « Tout le monde était mort, et moi je gardais les buffles en mourant de faim. On mangeait les racines des arbres en cachette » (....) « D’abord, j’écrivais seulement dans ma tête, parce que c’était dangereux. Il faut calculer, évaluer » sans cesse, dit-il, parce que si un homme éduqué est déjà un « ennemi », que dire alors d’un poète ? » (....). Son infortune, affirme Chea Chheng sombrement, il la doit à son « amour de la vérité » qui pas plus aujourd’hui qu’hier « n’est bonne à dire » quand la justice comme la morale du Bouddha sont foulées aux pieds par « des hommes ivres de pouvoir et d’argent. »
Voici un poème sur le pillage dont les temples d'Angkor sont victimes (encore aujourd'hui), traduit en français par Christophe Macquet.
LE TEMPLE DE BENG MEALA
(Le temple du lac aux guirlandes de fleurs)
Le vieux temple sommeille
Dans la forêt profonde et silencieuse
La chouette et le hibou, l’aigle et l’effraie gémissent
Les cris des cigales traversent nos poitrines
De grands arbres l’enserrent
Cèlent en ses tours les vérités anciennes
Le vieux temple se désagrège
Et la mélancolie monte en nous
Cependant les guirlandes du lac
S’efforcent encore de faire émerger leur fraicheur
La beauté de leurs fleurs entre les interstices
Des branches et des lianes qui sautent au-dessus des pierres
Fleuron de la beauté antique
Personne pourtant ne le protège
Des pillards et des insensés
Qui grattent les tours à la recherche de l’or
Quelques puissants sans vergogne
Ferment les yeux par égoïsme
Des destructions se font complices
Dans l’espoir d’empocher quelque chose
Ces gens ne sont khmers que de peau
Ils collaborent à déchirer l’Histoire
A voler la tête des Génies, à trancher le cou des Bouddhas
Toute honte bue, vaincues par la soif du dollar
Et encore un poème, parmi tant d'autres....
LEVER DE SOLEIL SUR ANGKOR
Premiers rayons de l’aube
On entend seulement
Les oiseaux
Les bois s’emplissent
D’un joyeux vacarme de cris
Les oiseaux saluent le jour neuf
Les oiseaux saluent la lumière si belle
Une foule de voyageurs
Venus de tous pays
Assiste au commencement du jour
Savoure l’incarnat si doux
De la clarté matinale
Le vent fait frissonner
Le bout des feuilles
Les yeux regardent
La joie saisit les cœurs
Les yeux regardent les tours de pierre
Les yeux regardent l’eau et la terre
Les yeux regardent les forêts
Les yeux regardent le soleil
Les yeux regardent le grand temple
Le ciel a la couleur de l’or
Paillettes blanches et orangées
Comme les pieds de l’Hângsa légendaire
Dans sa course, le grand luminaire
Fait resplendir le temple
Comme la nature
Est merveilleuse !
Terre d’Angkor
De grands et puissants esprits
Sous la conduite éclairées du Monarque
Ont bâti un temple
A cette place
Parc qu’ils avaient
L’intelligence de la nature
Et depuis chaque matin
Angkor sourit
De sa bouche engageante
De ses lèvres accueillantes
Sans aucune étroitesse
Et la nature elle-même se met
Au diapason de sa beauté